L’IA et la QVCT :

L’IA est entrée dans les organisations. Pas demain. Aujourd’hui.

Parfois discrètement. Parfois brutalement. Automatisation, reporting, analyse de données, outils RH, comptes-rendus, création de visuels, assistants virtuels… elle est partout.

Pour les Dirigeants et DRH, le sujet n’est donc plus de savoir si l’IA va transformer leur organisation. Le vrai sujet est : comment accompagner cette transformation sans perdre l’essentiel ?

Comment l’IA va-t-elle transformer mon modèle ?

  1. Quels sont les effets de l’IA sur les 6 champs de la QVCT ?
  2. Comment s’assurer que l’IA devienne un levier de progrès de la QVCT… et non un facteur de désengagement, de déshumanisation ou de tensions sociales ?
  3. Comment l’IA peut nous permettre de concilier une croissance rentable et durable et une qualité de vie et de conditions de travail ?

Une relecture complète des 6 champs de la QVCT à l’ère de l’IA s’impose.

L’IA a des avantages et génère des effets positifs évidents, mais elle présente aussi des risques et des inconvénients. Je livre dans cet article des réflexions et des suppositions, car les principaux changements ne se sont pas encore produits. Il est, cependant, temps d’anticiper les transformations à venir afin de se préparer pour mieux les appréhender et en exploiter les bénéfices tant pour l’entreprise que pour ses salariés.

PS : Je compte lancer un groupe de réflexion et de partage et réaliser une étude sur ce sujet. Les entreprises qui y participeront auront les résultats en avant-première.

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Défi de l’ANAP

1. Le contenu, la charge et la diversité du travail : redonner de l’espace à l’humain

L’IA est d’abord une extraordinaire opportunité pour repenser le travail. Sujet cher à Dominique Méda et pour identifier le travail réel qui est cher à Yves Clot. Elle peut prendre en charge les tâches répétitives, administratives, chronophages. Ce qu’on appelle parfois « le travail autour du travail ».

Concrètement ? L’IA automatise les reportings, la planification simple, les tâches à faible valeur, les notes de frais par exemple. C’est une bonne nouvelle… à condition que ce temps libéré ne soit pas absorbé par plus de reporting, plus de contrôles ou plus de réunions inutiles.

L’ANAP a réalisé une étude sous forme de défi pour déterminer si une IA peut réaliser les plannings d’une équipe dans un établissement de santé à la place du cadre de santé. Et la réponse est OUI. Lien vers les résultats.

Le sujet de la charge de travail est délicat et complexe. L’IA peut créer un outil d’évaluation.

Combien de mails recevez-vous chaque jour ? Trop ! L’IA (COPILOT) peut proposer une synthèse, les classer par priorité, par catégorie et même proposer une réponse. L’envoyer automatiquement ? Oui aussi ! Elle allège la charge de travail et mentale.

Une des conséquences principales est, bien sûr, la disparition de certains métiers, de certaines tâches ! D’autres verront le jour, mais tous, seront concernés.

Mais attention : mal utilisée, l’IA peut aussi appauvrir les missions, standardiser les tâches, supprimer les diversités d’activité qui font l’intérêt du quotidien professionnel.

L’utilisation de l’IA peut surtout se traduire par une surcharge cognitive importante du fait de la concentration sur des tâches plus mobilisatrices, plus riches et à fort enjeux.

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2. Les pratiques managériales : libérer les managers pour qu’ils redeviennent managers

L’IA est souvent perçue comme un outil de productivité. Elle peut, et doit, devenir un outil de soutien au management. L’IA a des effets réellement positifs sur ce champ de la QVCT.

Fini les managers noyés dans l’administratif. L’IA peut gérer le reporting, préparer les points individuels, détecter les signaux faibles dans les équipes, proposer des feedbacks pertinents basés sur des faits et non sur un ressenti ou une intuition, rappeler des anniversaires professionnels…

Les managers étaient « empêchés » et pollués par les reportings, ceux-ci seront faits automatiquement en quelques secondes. Mais alors, que feront les managers ? Le rôle du manager retrouvera alors sa VRAIE nature : écouter, accompagner, donner du sens, reconnaître, faire grandir. Bref, manager ! Mais sauront-ils le faire ?

L’IA peut aussi aider les RH à recruter et à réaliser un onboarding efficace.

Le risque existe : celui d’un management froid, « processé », appuyé uniquement sur des alertes ou des dashboards automatiques.

Le management reste un art subtil, qui ne se délègue ni à un logiciel ni à un algorithme.

3. Les conditions de travail : de nouveaux leviers pour agir

La QVCT a souvent buté sur des questions de moyens. L’IA peut changer la donne.

En optimisant les espaces, en adaptant les postes de travail, en analysant les flux d’activité, en anticipant les risques santé ou les RPS, elle devient un levier pour améliorer concrètement les conditions de travail. Ce de façon objective.

Dans certains secteurs, l’IA est déjà utilisée pour adapter la répartition des charges et des ressources aux objectifs et prévisions et prévenir les surcharges.

Mais gare à la tentation du « Big Brother » : capteurs partout, monitoring en temps réel, collecte massive de données. Ce qui était pensé pour le confort peut vite virer au contrôle anxiogène. Il faut rester vigilant et dans le cadre IA Act et la RGPD.

4. Les relations sociales : IA et lien humain, un fragile équilibre

L’IA peut aussi renforcer le lien social ! Si si ! Elle peut aider à mieux connecter les personnes selon leurs centres d’intérêts, repérer des affinités, aider à casser les silos, à faciliter les relations transverses… tout cela est possible. Comment ? En proposant des animations mixant les équipes, en concevant des rituels collectifs et des ateliers favorisant les partages de pratiques entre équipes.

L’IA peut aussi faciliter la compréhension du droit du travail, de la convention collective, pour les salariés. Je recommande une vigilance et une vérification ! Il lui arrive d’inventer des jurisprudences. Elle peut aider à préparer les réunions des CSE et établir les comptes rendus.

Mais un collectif ne se décrète pas à coups d’algorithmes. Les meilleures rencontres, les vraies complicités, les moments d’équipe les plus forts restent — et resteront — imprévisibles, informels, humains. Autour de la machine à café.

Trop de pilotage numérique des relations et on court le risque d’avoir des collectifs artificiels, sans âme, ni émotion.

5. L’égalité et l’évolution professionnelle : IA au service de l’équité.

L’IA permet de détecter les inégalités salariales, les biais de parcours, les freins invisibles dans l’évolution des femmes, des seniors, ou de certains profils moins visibles.

Elle offre une vision plus objective des compétences réelles — bien au-delà des CV ou des intuitions managériales. Et elle peut construire des parcours de formations (GPEC) pour les salariés, et formaliser une cartographie des compétences.

L’IA peut faciliter l’inclusion des salariés en situation de handicap. C’est un outil déjà incroyable pour les dys !

Mais attention à ne pas enfermer les individus dans des cases rigides ou des parcours tracés uniquement par la data. L’IA propose, mais les RH et les managers doivent rester garants de l’équité… et du droit à être atypique.

L’IA est discriminante ! Une étude de McKinsey GI démontre que 80% des postes occupés par des femmes sont exposés de manière significative à l’IA, puisqu’elles sont deux fois plus présentes dans des postes administratifs.

6. L’organisation du travail : IA, levier ou carcan ?

C’est probablement le champ dans lequel tout va se jouer.

L’IA offre une capacité d’analyse des organisations jamais atteinte : flux de travail, KPI, cloisonnements, lenteurs, complexités inutiles…

Elle peut aider à mieux organiser le travail hybride, mieux planifier les équipes, mieux anticiper les changements, établir un prévisionnel.

Au quotidien, elle peut aider à la préparation des réunions et à la réalisation de compte-rendus (avec Noota, ou Copilot) donc les rendre plus efficientes, donc réduire le temps perdu…

Mais le risque est là : vouloir tout optimiser, tout modéliser… et oublier que les organisations sont d’abord des systèmes humains, imparfaits, vivants, parfois chaotiques. C’est ce que fait leur charme !

Un excès d’IA peut rendre les organisations rigides, technocratiques, enfermées dans des logiques de process optimisés, de réduction des coûts au détriment de la pérennité, du long terme, de l’agilité. Il est donc nécessaire, pour les dirigeants, de définir avec discernement leur intention et leur modèle social cible.

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IA et les effets sur les 6 champs de la QVCT : une occasion de repenser le modèle économique et social de l’entreprise

L’arrivée massive de l’IA dans les organisations ne pose pas seulement des questions techniques ou de productivité. Au-delà des « gadgets », l’IA remet une question fondamentale au cœur de la réflexion : Quel modèle d’entreprise voulons-nous vraiment pour demain ?

Un modèle purement mécanique, automatisé, piloté par les seuls indicateurs et le court terme ? Ou un modèle qui met l’intelligence humaine au centre des systèmes, des décisions et des relations ?

L’IA va inciter — et parfois contraindre — les dirigeants à se poser des questions stratégiques essentielles :

  • Quelles missions doivent absolument rester humaines ?
  • Comment faciliter et maîtriser le déploiement de l’IA sans dériver vers la déshumanisation ?
  • Comment intégrer l’IA tout en restant fidèles à nos valeurs, à notre vision d’entreprise ?

Car une chose est certaine : l’IA transforme déjà les organisations et le travail, tout comme l’arrivée d’internet il y a 30 ans. Il est temps de s’y préparer. Il y a un avant et un après l’IA.

Franck Pagny

Facilitateur du Plaisir Au Travail.

Accompagner les dirigeants à garder leur entreprise vivante, humaine et performante… à l’ère de l’IA.

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